Accusé d'avoir brûlé vive sa compagne, il reconnaît que les preuves l'accablent

Accusé d'avoir brûlé vive sa compagne, il reconnaît que les preuves l'accablent

By Kenan AUGEARD

Saint-Omer (France) (AFP) - "C'est bien moi qui l'ai arrosée d'essence": au troisième jour de son procès pour le meurtre de son ex-compagne, brûlée vive, Jonathan Boillet a fini par abandonner la thèse de l'accident, au soulagement de la famille de la victime, qui réclamait "la vérité".

Jonathan Boillet, 36 ans, est jugé depuis mardi aux Assises du Pas-de-Calais pour le meurtre en novembre 2020 de sa compagne Sandy Cucheval, brûlée vive à 33 ans dans la voiture où le couple se trouvait.

Admise à l'unité des grands brûlés de l'hôpital de Lille, elle y était décédée une semaine plus tard.

"Pendant des années, j'ai fait des hypothèses. Mais d'après les experts, il n'y a pas photo, c'est bien moi", répond-il sur un ton neutre à la présidente qui vient de lui demander s'il souhaite changer de version.

Celle-ci l'invite à préciser sa pensée. "J'ai vraiment un blackout", maintient-il, assurant s'être réveillé au moment de l'explosion. Mais "c'est bien moi qui l'ai arrosée d'essence, on peut pas dire le contraire".

Des soupirs de soulagement envahissent alors la salle d'audience, en bonne partie remplie de membres de la famille de Sandy Cucheval, plusieurs proches essuient des larmes.

\- "Risque vital pour lui-même" -

Avant de reconnaître ces faits sans les expliquer, Jonathan Boillet a vu se succéder à la barre trois des enfants, la mère, l'ex-belle-mère et l'ex-conjoint de Sandy Cucheval, lesquels lui réclament "des aveux", "la vérité", "des réponses pour pouvoir faire (leur) deuil".

Puis un expert psychologue a estimé à la barre que "sa lutte contre l'effondrement dépressif ne lui permet guère présentement que le déni des faits", tout en estimant que le procès "peut avoir un effet déclenchant".

S'il a commis les faits, avouer "serait l'occasion d'affronter enfin tout ce qu'il a refusé d'affronter dans sa vie", a-t-il souligné.

Violé dans son enfance par un oncle de huit ans son aîné, Jonathan Boillet a sombré dès ses 11 ans dans des dépendances à l'alcool et à différentes drogues.

Depuis les faits, Jonathan Boillet plaidait l'accident, assurant avoir allumé une cigarette qui, approchée d'un bidon d'essence mal fermé au sol de la voiture, aurait embrasé l'habitacle.

Une thèse contredite par les experts selon qui les vêtements de Sandy Cucheval étaient imbibés d'essence, et le feu est parti du siège conducteur, où elle était assise.

La victime avait elle-même assuré à une policière, alors qu'elle gisait gravement brûlée sur le sol d'un garage, que Jonathan Boillet avait voulu la tuer en l'aspergeant d'essence. "C'est ce qui a dû se passer", concède l'accusé.

\- "Rayon de soleil" -

Fortement alcoolisé le soir des faits, Jonathan Boillet dit avoir des souvenirs flous de l'ensemble de la journée. Ses aveux n'iront pas plus loin, sa mémoire l'en empêchant, dit-il.

Concernant le bidon d'essence, il assure ne pas se souvenir pourquoi il l'a l'acheté dans l'après-midi, mais reconnaît pour la première fois que ce n'était "pas du tout" pour sa débroussailleuse, dont un expert a dit qu'elle n'était pas en état de marche.

Sur des violences précédentes visant Sandy Cucheval, pointées par des témoins, il reconnaît avoir été "un vrai connard", mais continue d'assurer qu'il ne lui a "jamais levé la main dessus".

Sandy Cucheval "était un rayon de soleil, une lumière pour tout le monde", se souvient au bord des larmes la mère de son premier conjoint, qui la considérait comme sa propre fille.

Une fois en couple avec Jonathan Boillet, "elle était moins joviale, moins souriante", ajoute la fille de la victime. Elle était également "moins présente" pour ses enfants, dit-elle de concert avec son petit frère.

En moyenne, un féminicide survient tous les trois jours en France. Le ministère de la Justice a dénombré 94 féminicides en 2023.

Le verdict est attendu vendredi.

© Agence France-Presse