Attaques d'ours en Slovaquie : l'abattage est-il vraiment la solution ?

Les ours bruns comme celui-ci sont fréquents en Slovaquie. ©Unsplash

La Slovaquie a connu sa deuxième attaque d'ours en trois jours, et une ville du nord du pays a déclaré l'état d'urgence.

Selon les autorités locales, cinq personnes âgées de 10 à 72 ans ont été blessées dans la ville de Liptovský Mikuláš, près des montagnes des Tatras. Mardi, les autorités ont déclaré que six patrouilles armées avaient été déployées pour chasser l'ours. La population a été invitée à faire preuve de prudence, en particulier le matin et le soir.

"L'ours a été repoussé dans des zones inhabitées par les forces de secours et de sécurité, où les équipes d'urgence ont reçu l'ordre de l'éliminer", explique la mairie.

Des images montrant l'ours courant le long d'une route, dispersant les piétons et chargeant un homme ont été diffusées sur les réseaux sociaux.

"Nous sommes certes une ville située entre les montagnes, mais nous restons une ville. Nous ne pouvons pas permettre à un ours d'attaquer cinq personnes dans le centre en plein jour", ajoute la mairie.

L'incident s'est produit le lendemain de la mort d'une femme de 31 ans originaire du Belarus, attaquée par un autre ours dans la région vendredi soir.

Son compagnon raconte qu'ils se promenaient dans une zone densément boisée de la vallée de Demänovská lorsque l'animal s'est mis à les poursuivre.

Les partenaires ont fui dans des directions opposées et l'homme a été retrouvé "effrayé mais indemne" au sommet d'un ravin. Une équipe de secours composée de chiens renifleurs a trouvé le corps de la femme au fond du ravin.

L'ours se trouvait toujours dans les parages et le service de secours en montagne l'a fait fuir en tirant des coups de fusil d'avertissement.

Les premières investigations menées par les autorités slovaques suggèrent que la femme serait morte de la chute plutôt que d'une blessure infligée par l'ours.

Les attaques d'ours suscitent des appels à l'abattage

Cette série d'attaques a suscité des appels à la réévaluation du statut de protection des ours en Slovaquie et, plus largement, dans toute l'Europe centrale et orientale.

Au cours du week-end, le ministre de l'Environnement Tomáš Taraba a critiqué la couverture médiatique qui minimisait le rôle de l'ours dans la mort de la femme. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, il affirme que cet "événement tragique inutile" était le résultat des "ONG qui ont contacté le ministère de l'Environnement pour lui expliquer que les ours sont des herbivores qui ne présentent aucun risque pour l'homme".

"En Slovaquie, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt qui rend impossible l'abattage généralisé des ours. Je félicite donc la Cour constitutionnelle et j'espère que vous êtes satisfaits de votre travail", ajoute le ministre.

Selon lui, la situation actuelle est le résultat de "groupes écologiques extrémistes qui ont transformé la Slovaquie en musée à ciel ouvert où l'on ne peut plus se déplacer normalement".

Les attaques d'ours sont devenues un débat politique majeur en Slovaquie, la plupart des hommes politiques ayant abordé la question lors des élections législatives de septembre dernier.

Certains membres de la coalition populiste-nationaliste slovaque estiment qu'il faut assouplir les mesures de protection de l'environnement. Ils affirment que les efforts de conservation ont fait monter en flèche les populations d'ours bruns, ce qui justifie désormais, selon eux, leur chasse et leur abattage.

Lors d'une conférence de presse à Liptovský Mikuláš dimanche, le secrétaire d'État auprès du ministère de l'Environnement Filip Kuffa a déclaré que la Slovaquie se joindrait à une initiative de la Roumanie pour proposer de déclasser le statut de protection des ours lors du prochain Conseil des ministres de l'Environnement de l'UE.

Il a également présenté un projet de loi qui permettrait, sous certaines conditions, d'abattre des ours en Slovaquie en dehors des zones urbaines.

Combien d'ours y a-t-il aujourd'hui en Slovaquie ?

La Slovaquie a connu plusieurs attaques d'ours au cours des dernières années.

En 2021, un homme de 57 ans a été retrouvé dans le centre de la vallée de Banskô, le cou, la hanche et la main déchiquetés, avec des empreintes d'ours à proximité. À l'époque, il s'agissait de la première attaque mortelle que le pays ait connue depuis un siècle.

La population d'ours de Slovaquie a presque été chassée jusqu'à l'extinction dans les années 1930. Grâce aux efforts de conservation et à la protection juridique dont ils bénéficient depuis 1989, ces animaux ont regagné leur habitat naturel dans la chaîne des Carpates, qui s'étend de la Roumanie à la Slovaquie et à la Pologne, en passant par l'ouest de l'Ukraine.

Filip Kuffa affirme que la population est désormais "trop importante", mais qu'"au-delà de leur nombre, les ours ont également changé de comportement".

"Historiquement, il n'y a jamais eu un nombre aussi élevé d'ours attaquant des êtres humains", ajoute-t-il.

Les chercheurs de l'Agence nationale de protection de la nature ont estimé l'année dernière que la Slovaquie comptait une population stable d'environ 1 275 ours, précisant qu'il n'y avait pas eu récemment d'augmentation significative de leur nombre.

Des groupes tels que le WWF et la Slovak Wildlife Society se sont opposés à l'abattage de la population d'ours bruns.

Les écologistes affirment qu'il est inévitable que les gens entrent parfois en contact avec ces animaux. Ils estiment que l'un des plus gros problèmes est celui des poubelles ouvertes et des déchets alimentaires qui attirent les ours dans les zones résidentielles, et augmentent ainsi la probabilité de confrontations avec l'homme.

Erik Baláž, écologiste de l'organisation de protection de la nature My Sme Les, estime que les "solutions insignifiantes" telles que l'abattage aveugle des ours ne sont pas la solution.

Il a déclaré dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux s'opposer à ce "que de tels cas fassent l'objet d'une utilisation politique abusive, que les passions soient attisées et que différentes solutions extrémistes soient proposées, qui ne fonctionneront pas".

Erik Baláž poursuit en expliquant que, même s'il n'est pas totalement opposé à l'abattage des ours, l'éducation et les mesures visant à prévenir les conflits devraient être prioritaires. Selon lui, le ministère de l'Environnement devrait suivre l'activité des ours, comme les dommages causés aux vergers ou les attaques sur le bétail, et concentrer son action sur ce point.

"Un politicien ne peut pas répandre la peur en disant qu'il s'agit de simples attaques prédatrices. C'est absurde", ajoute Erik Baláž.

Une attaque prédatrice désigne une attaque délibérée d'un ours sur une personne dans le but de se nourrir. Marián Hletko, ancien chef de l'équipe d'intervention sur les ours bruns, a déclaré à l'agence de presse slovaque TSAR qu'il n'y avait aucune preuve que c'était le cas dans les deux incidents récents.

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