L'élection présidentielle dans une Slovaquie divisée sur l'Ukraine

Une affiche électorale de l'ancien ministre des Affaires étrangères et candidat à l'élection présidentielle en Slovaquie, Ivan Korcok, le 20 mars 2024 à Bratislava

By Laszlo JUHASZ

Bratislava (AFP) - Les Slovaques votent samedi pour élire leur nouveau président, un premier tour qui a des allures de confrontation entre un représentant du camp au pouvoir proche de la Russie et un candidat favorable à l'Ukraine et soutenu par l'opposition.

Ces deux hommes, le président du Parlement Peter Pellegrini, qui bénéficie de l'appui du Premier ministre populiste Robert Fico, et un ancien ministre des Affaires étrangères, Ivan Korcok, font en effet figure de grands favoris.

Selon les sondages, M. Pellegrini, un ex-chef du gouvernement, est crédité de 37% des intentions de vote contre 36% pour M. Korcok, diplomate chevronné.

Si aucun des neuf candidats en lice n'obtient plus de 50% des voix, un second tour sera nécessaire, le 6 avril.

Les électeurs peuvent se rendre aux urnes samedi de 07H00 (06H00 GMT) à 22H00 (21H00 GMT). Aucun sondage à la sortie des bureaux de vote n'est attendu.

M. Pellegrini a le soutien de l'actuel Premier ministre connu pour ses commentaires sur l'invasion russe de l'Ukraine, dans lesquels il remet en question la souveraineté de cette dernière.

M. Korcok défend en revanche résolument la cause ukrainienne et a des opinions similaires à celles de la présidente sortante, Zuzana Caputova, une virulente critique du gouvernement, qui ne briguera pas un second mandat.

\- La "voie d'Orban" –

Les analystes soulignent qu'un chef de l'Etat approuvant la politique de Robert Fico pourrait renforcer la posture anti-ukrainienne de ce pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'Otan et de l'UE, la rapprochant ainsi de celle du Premier ministre hongrois Viktor Orban.

"Si M. Pellegrini gagnait, la Slovaquie pourrait suivre la voie d'Orban en termes de politique étrangère", a à cet égard déclaré à l'AFP l'analyste Tomas Koziak.

La Hongrie est régulièrement dénoncée au sein de l'UE pour des violations de l'Etat de droit et des décisions entravant les efforts pro-ukrainiens.

"Dans le cas de M. Korcok, l'orientation pro-occidentale est évidente, son attitude envers la Russie serait sans compromis", juge M. Koziak.

La guerre en Ukraine voisine a divisé les Slovaques pendant la campagne électorale.

M. Pellegrini lui-même met en exergue cette division "entre ceux qui sont favorables à la poursuite de la guerre à tout prix et ceux qui exigent l'ouverture de négociations de paix". "J'appartiens à cette dernière catégorie", a-t-il dit à l'AFP.

\- Camp pro-ukrainien –

Au fil des années, Robert Fico a permis à M. Pellegrini d'accéder à divers postes, dont celui de président du Parlement.

Ce dernier, aujourd'hui âgé de 48 ans, est lui-même devenu Premier ministre après la chute du gouvernement Fico en 2018, à la suite du meurtre du journaliste d'investigation Jan Kuciak et de sa fiancée.

Cette affaire avait déclenché de grandes manifestations qui avaient forcé Robert Fico à démissionner, le journaliste ayant travaillé sur les liens entre la mafia italienne et le parti Smer-SD de celui qui était alors à la tête du gouvernement.

M. Korcok, 59 ans, critique quant à lui les appels de M. Fico à négocier avec Moscou.

"La Fédération de Russie a piétiné le droit international (...). Je ne pense pas que l'Ukraine doive renoncer à une partie de son territoire pour parvenir à la paix", a déclaré ce diplomate de formation à l'AFP.

Pendant le dernier débat avant la présidentielle, M. Pellegrini a réclamé "un cessez-le-feu immédiat et l'ouverture de négociations de paix" entre Kiev et Moscou. "La paix ne peut pas être synonyme de capitulation", a rétorqué M. Korcok.

\- "Province russe" –

Celui-ci est soutenu par l'opposition qui considère qu'une victoire de M. Pellegrini ouvrirait la voie à l'octroi de la grâce présidentielle à des alliés du pouvoir coupables de corruption.

"Je ne veux pas voir mes enfants et mes petits-enfants grandir dans une province russe", confie à l'AFP Marta Demcakova, une retraitée de 66 ans, faisant allusion aux prises de position en faveur de la Russie de MM. Pellegrini et Fico.

Katarina Podmanicka, une vendeuse de 46 ans, se prononce au contraire pour M. Pellegrini car "il essaie de tout faire pour que nous puissions redevenir une nation dans laquelle les gens sont sûrs que nos responsables politiques élus, y compris le président, défendront tous les Slovaques".

Bien que ses fonctions soient essentiellement protocolaires, le chef de l'Etat ratifie les traités internationaux, nomme les principaux juges et est le commandant en chef des forces armées.

Parmi les autres candidats en lice, l'eurosceptique Stefan Harabin, 66 ans, qui a ouvertement fait l'éloge du président russe Vladimir Poutine, arrive en troisième position dans les sondages.

© Agence France-Presse