A Juno Beach, de jeunes Canadiennes sur les traces de parents tués en juin 1944

La plage de Juno Beach, le 4 juin 2019 à Courseulles-sur-Mer, dans le Calvados

By Alexandra LESIEUR

Courseulles-sur-Mer (France) (AFP) - "C'est vraiment cool de penser qu'ils étaient ici", sur cette plage normande de Juno Beach où 14.000 Canadiens ont débarqué le 6 juin 1944. La lycéenne Ava Schrader n'en revient toujours pas, elle qui a appris l'existence de ses trois grands-oncles juste avant de partir en Europe.

Deux d'entre eux sont revenus mais le troisième, Anthony Skwarok, est mort à l'âge de 23 ans. Elle ne sait comment il a été tué.

Audrey Gosse, 17 ans comme Ava, ne connaissait rien de son arrière-cousin, Ralph Hadley, surnommé Buddy, avant ce voyage scolaire réunissant des élèves de Colombie britannique dans l'ouest du Canada.

A Courseulles-sur-mer (Calvados), elle scrute la plage où il a débarqué il y a presque 80 ans, des jeunes font du char à voile sous un grand soleil. Difficile d'imaginer les propos de leur guide: la mer très agitée, les bateaux, les avions, des soldats qui périssent noyés sous le poids de leur équipement...

Ces Canadiens, soutenus par quelque 7.000 Britanniques, sont arrivés sous un déluge de feu à Juno Beach, nom de code d'une des cinq plages du Débarquement. Trois cent quatre-vingt-un soldats canadiens ont perdu la vie ce jour-là. Ils avaient en moyenne 18 ou 19 ans.

"Presque mon âge", note Audrey, impressionnée.

Dans le musée du centre Juno Beach bordant la plage, elle s'attarde sur des maquettes d'avions Spitfire et Lancaster.

"Je veux m’engager dans l'armée (...) et apprendre que j'ai de la famille qui s'est battue pour le Canada avec une telle implication est simplement très, très intéressant", reconnaît ce cadet au sein de l'armée de l'air.

L'Aviation royale canadienne (ARC), qui fête ses 100 ans cette année, a activement participé à la bataille de Normandie, tout comme la marine et l'infanterie. En tout, 90.000 volontaires canadiens, dont 5.500 sont morts, ont participé à cette bataille.

Fondé en 2003 par des vétérans, le centre Juno Beach est le seul musée canadien sur la Seconde guerre mondiale en Europe et l'unique musée canadien sur les plages du Débarquement. Les deux jeunes filles tiennent à laisser une trace de leur passage, à l'instar de nombreux descendants qui viennent se recueillir à Juno Beach.

\- Des coquelicots pour Anthony et Buddy -

Sur une grande tablette numérique parsemée de coquelicots, emblème rendant hommage aux soldats morts aux combats, elles écrivent simplement: "In memory of ANTHONY SKWAROK, ava", "En mémoire de RALPH WINSTON HADLEY, audrey gosse".

Ava découvre où est enterré son grand-oncle, au cimetière canadien tout proche de Beny-sur-mer/Reviers. Le soldat de la famille d'Audrey y repose aussi.

Parmi près de 2.000 tombes, les jeunes Canadiennes parcourent les allées jusqu'à trouver leur parent respectif. Audrey dépose sur la pierre tombale blanche un coquillage ramassé sur la côte normande, avant de se recueillir et verser une larme: "C'est la première fois que je vais hors de l'Amérique du Nord, c'est très particulier pour moi d'être ici."

De l'autre côté du cimetière, Ava prend une photo, contente de pouvoir répondre au souhait de sa grand-mère. Elle lui a demandé une seule chose de son voyage en Europe: une photographie de la tombe d'Anthony.

"C'est un cimetière si important et je suis liée à celui qui est enterré ici", réalise la jeune fille, comprenant que son histoire personnelle s'inscrit dans la grande Histoire. "Je veux maintenant savoir l'implication de ma famille dans la guerre."

Telle une petite graine plantée pour les générations futures, cette visite couplée à celles d'Omaha Beach où ont débarqué les Américains et du port artificiel d'Arromanches, a aussi donné envie à ses camarades de connaître le parcours de leurs ancêtres ayant combattu en Europe.

Comme Alexis Tourand, 16 ans. Ses deux arrière-grands-pères ont participé au conflit et l'adolescente a hâte d'en savoir davantage, elle qui vient de vivre un moment intense en Normandie: "J'ai ressenti la joie de ces Canadiens car nous avons gagné mais aussi leur tristesse de n'être pas rentrés chez eux."

© Agence France-Presse