Israël sommé de coopérer pour l'aide à Gaza, admet des erreurs dans la mort d'humanitaires

Des garçons poussent un seau rempli d'eau à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 5 avril 2024

By Belal ALSABBAGH avec Fiachra GIBBONS à Jérusalem

Bande de Gaza (Territoires palestiniens) (AFP) - Israël est soumis vendredi à des pressions internationales croissantes pour laisser entrer davantage d'aides dans la bande de Gaza assiégée et menacée de famine, après que son armée a admis de "graves erreurs" dans la mort de sept humanitaires tués par un drone.

Alors que la guerre entre l'armée israélienne et le Hamas entre dimanche dans son 7e mois, 54 Palestiniens ont péri ces dernières 24 heures dans les frappes israéliennes incessantes sur la bande de Gaza, portant à au moins 33.091 le nombre total de morts, la plupart des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien.

Lancée en riposte à une attaque sanglante de commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza en Israël le 7 octobre, l'offensive de grande envergure israélienne contre le territoire palestinien a provoqué, outre le lourd bilan humain, une catastrophe humanitaire et des destructions colossales.

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a exigé l'arrêt de toute vente d'armes à Israël, dans une résolution évoquant les craintes de "génocide" contre les Palestiniens.

Pour la première fois, le président Joe Biden a fait état jeudi de la possibilité de conditionner l'aide cruciale américaine à l'allié israélien à des mesures "tangibles" face à la catastrophe humanitaire à Gaza.

Selon le Croissant-Rouge palestinien, "31 enfants sont morts de faim et de déshydratation" dans la bande de Gaza, où la majorité des 2,4 millions d'habitants sont menacés de famines d'après l'ONU.

Vendredi, le cabinet de sécurité israélien a approuvé des "mesures immédiates pour augmenter l'aide humanitaire à la population civile" dans le territoire palestinien assiégé par Israël depuis le 9 octobre.

Il va autoriser l'acheminement "temporaire" de l'aide par le port israélien d'Ashdod, à environ 40 km au nord de Gaza, et par le point de passage d'Erez, entre le nord de Gaza et Israël. Il va aussi permettre "l'augmentation de l'aide par Kerem Shalom", entre le sud de Gaza et Israël.

\- "Eparpillées" -

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a néanmoins jugé les mesures annoncées par Israël "éparpillées" et insuffisantes, avant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la situation des travailleurs humanitaires et le risque de famine à Gaza.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a déclaré que Washington attendait des "résultats" rapides sur le terrain, après avoir affirmé que "100% de la population a besoin d'aide" à Gaza.

"Si nous perdons ce respect pour la vie humaine, on prend le risque de ne pas pouvoir nous démarquer de ceux que nous combattons", a-t-il également dit.

Contrôlées strictement par Israël, les aides venant principalement d'Egypte entrent au compte-gouttes via le passage de Kerem Shalom. Plusieurs pays effectuent des parachutages quotidiens de vivres sur le territoire palestinien. Mais cela est loin de suffire face aux besoins immenses de la population.

De plus, plusieurs ONG qui aidaient à distribuer les aides ont suspendu leurs opérations notamment après la mort lundi soir de sept humanitaires de World Center Kitchen (WCK) -un Palestinien et six étrangers-, tués par une frappe de drone de l'armée israélienne dans le centre de la bande de Gaza.

L'armée israélienne a admis avoir commis une série d'"erreurs graves", notamment d'appréciation, soulignant qu'elle avait voulu viser un "homme armé du Hamas" tirant depuis le toit d'un des camions d'aide.

Elle a aussi évoqué "violations des procédures opérationnelles normales" et reconnu que WCK avait bien communiqué son plan de route mais que les militaires chargés des frappes ne l'avaient pas en mains. Deux officiers vont être limogés.

\- "Enquête indépendante" -

L'ONG WCK, basée aux Etats-Unis, a arrêté d'opérer à Gaza de même qu'Open Arms, l'organisation espagnole qui avait affrété avec WCK le premier bateau d'aide humanitaire arrivé à Gaza en mars en provenance de Chypre.

WCK a réclamé une commission d'enquête "indépendante", et la Pologne, dont un ressortissant fait partie des victimes, a réclamé à Israël "une enquête criminelle" pour "meurtre".

L'attaque du Hamas le 7 octobre a entraîné la mort de 1.170 personnes en Israël, en majorité des civils tués le jour même, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens. Plus de 250 personnes ont été enlevées pendant l'attaque et emmenées à Gaza où 130 sont toujours détenues, parmi lesquelles 34 sont mortes selon l'armée.

Israël s'est juré d'anéantir le Hamas, qui a pris le pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza et qui est considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis, Israël et l'Union européenne.

Son armée a lancé une campagne de bombardements aériens intenses sur la bande de Gaza, suivie 20 jours plus tard d'une offensive terrestre qui a permis à ses soldats de progresser du nord au sud de la petite bande de terre, jusqu'aux portes de Rafah.

\- Menaces du Hezbollah -

Dans cette ville, quasi-quotidiennement cible de frappes aériennes israéliennes, s'entassent près de 1,5 million de Palestiniens la plupart déplacés, qui craignent une offensive terrestre voulue par M. Netanyahu.

Dans un communiqué évoquant les six mois de guerre dimanche, le chef de l'ONU a souligné que "rien ne peut justifier l’horreur déclenchée par le Hamas le 7 octobre". Mais "rien ne peut justifier la punition collective du peuple palestinien".

Sur le front nord d'Israël, le chef du Hezbollah libanais Hassan Nasrallah a affirmé que son mouvement, qui échange des tirs avec l'armée israélienne depuis près de six mois à la frontière israélo-libanaise, n'avait pas encore utilisé ses "principales" armes dans la bataille.

Il a aussi jugé "inéluctable" la riposte de l'Iran à la frappe attribuée à Israël contre le consulat iranien à Damas, qui a fait 16 morts lundi. Le Hezbollah et son allié iranien sont des ennemis d'Israël.

© Agence France-Presse