Israël et le Hamas tempèrent les espoirs de trêve à Gaza

Des Palestiniens de retour dans les ruines de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, après le départ des soldats israéliens, le 8 avril 2024

By Belal ALSABBAGH avec Gaël BRANCHEREAU à Jérusalem

Bande de Gaza (Territoires palestiniens) (AFP) - Des responsables israéliens et du Hamas ont tempéré lundi les espoirs d'une trêve prochaine et d'une libération des otages retenus dans la bande de Gaza, après de nouvelles négociations indirectes au Caire qui n'ont pas permis selon eux de surmonter les blocages.

Malgré les pressions internationales, Israël maintient pendant ce temps ses projets d'offensive terrestre sur la ville de Rafah, à l'extrémité sud du territoire palestinien, où sont massées près d'un million et demi de personnes, selon l'ONU, la plupart des déplacés ayant fui la guerre qui fait rage depuis six mois entre Israël et le mouvement islamiste.

Lundi, le ministère de la Santé du Hamas a dénombré 32 morts en 24 heures.

Les soldats israéliens s'étaient retirés dimanche du sud de la bande de Gaza, notamment de la grande ville de Khan Younès, livrée aux combats depuis plusieurs mois, afin de "préparer la poursuite de leurs missions (...) dans la zone de Rafah", à la frontière avec l'Egypte, avait déclaré le ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réaffirmé sa détermination à éradiquer le Hamas "dans toute la bande de Gaza, y compris à Rafah", qu'il présente comme le dernier grand bastion du mouvement islamiste au pouvoir depuis 2007 dans le territoire.

Dimanche puis lundi, des milliers de Palestiniens qui avaient fui ont regagné Khan Younès, à pied, en voiture ou sur des charrettes tirées par des ânes. Des photos de l'AFP ont montré des hommes, des femmes et des enfants se frayant un chemin entre les ruines de leur ville défigurée.

"Nous espérions trouver la maison ou ce qu'il en reste", a raconté Safa Qandil, une femme de 46 ans. De la maison, il ne reste rien. Safa a aussi perdu son fils et sa belle-fille, enceinte. "C'est (...) indescriptible", confie-t-elle.

Salim Sharab, un homme de 37 ans lui aussi à la recherche de sa maison, se dit "choqué" par le spectacle. "Plus rien ne ressemble à ce que nous avons connu", dit-il.

Lundi, des témoins ont raconté à l'AFP que plusieurs frappes aériennes avaient touché une maison et des terres agricoles à Rafah, ainsi que les secteurs de Nousseirat et de Deir el-Balah, dans le centre du territoire. Des tirs d'artillerie ont également visé le sud-ouest de la ville de Gaza, dans le nord.

\- "Nous n'y sommes pas" -

Les annonces de l'armée sont intervenues en parallèle à une nouvelle série de négociations au Caire entre le Hamas et Israël par l'intermédiaire de l'Egypte, des Etats-Unis et du Qatar.

Ces discussions, visant à aboutir à une trêve ainsi qu'à la libération des otages retenus à Gaza depuis le début de la guerre le 7 octobre, connaissent "des progrès significatifs", a affirmé lundi le média égyptien progouvernemental Al-Qahera News, citant une source égyptienne haut placée.

Mais des responsables des deux camps ont tempéré cet optimisme.

"Nous ne voyons pas encore d'accord à l'horizon", a déclaré un responsable israélien, cité par le média Ynet, en soulignant que "la distance restait importante" entre les positions de part et d'autre.

"Il faut être patient. Il y a un potentiel, mais nous n'y sommes pas", a ajouté un haut responsable israélien.

Selon un responsable du Hamas contacté lundi par l'AFP, "on ne peut pas parler de progrès concrets jusqu'à présent" et les divergences portent surtout sur le retour des déplacés dans la ville de Gaza, réclamé par le mouvement islamiste.

Selon Al-Qahera, les délégations du Qatar et du Hamas sont parties du Caire et y reviendront "sous deux jours pour finaliser les termes de l'accord". Les délégations américaine et israélienne devaient elles aussi quitter la capitale égyptienne, selon la même source.

Samedi, le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne, a assuré qu'il ne renoncerait pas à ses exigences: "un cessez-le-feu complet", un retrait israélien de Gaza, un retour des déplacés et un accord "sérieux" d'échange d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël.

M. Netanyahu a rétorqué dimanche qu'il n'y aurait pas de cessez-le-feu sans la libération de tous les otages.

\- Situation "plus que catastrophique" -

La guerre a été déclenchée le 7 octobre, lorsque des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza ont mené une attaque sans précédent dans le sud d'Israël, entraînant la mort de 1.170 personnes, en majorité des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir des chiffres officiels israéliens.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 sont toujours détenues à Gaza, dont 34 sont mortes d'après des responsables israéliens.

En représailles, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 33.207 morts, la plupart des civils, et près de 76.000 blessés à Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas.

La guerre a aussi provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire de 2,4 millions d'habitants assiégé par Israël, où l'aide humanitaire contrôlée par Israël arrive au compte-gouttes depuis l'Egypte.

Dimanche, plusieurs agences des Nations unies et des organisations humanitaires ont qualifié de "plus que catastrophique" la situation à Gaza.

"Les maisons, écoles, hôpitaux sont en ruines. Les enseignants, médecins, humanitaires sont tués. La famine est imminente", a affirmé sur X la directrice exécutive de l'Unicef, Catherine Russell.

La guerre a également des répercussions à la frontière entre le Liban et Israël. L'armée israélienne a affirmé dimanche avoir achevé une "nouvelle phase" dans sa préparation à "la guerre" à cette frontière où les échanges de tirs meurtriers avec le Hezbollah libanais, allié du Hamas, s'intensifient.

L'ONU a appelé lundi à l'arrêt de ces violences afin d'éviter "une détérioration supplémentaire d'une situation déjà alarmante".

© Agence France-Presse