L'extrême droite allemande sous pression après une affaire d'espionnage

Le drapeau chinois devant l'ambassade de Chine à Berlin, le 22 avril 2024

By Femke COLBORNE

Berlin (AFP) - Les nuages s'accumulent pour le parti d'extrême droite allemand AfD après des accusations d'espionnage pour le compte de la Chine, dernier scandale d'une longue série à frapper cette formation jusqu'ici en pleine ascension, avant plusieurs scrutins clés cette année.

Mardi, les autorités allemandes ont annoncé l'arrestation d'un des assistants accrédités de l'eurodéputé tête de liste de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) aux élections européennes du 9 juin, Maximilian Krah.

Le suspect est accusé d'avoir espionné des opposants chinois en Allemagne et d'avoir partagé des informations sur le Parlement européen avec un service de renseignement de Pékin.

Les dirigeants du parti anti-migrants et anti-euro ont convoqué M. Krah pour parler de ces accusations, qualifiées de "très préoccupantes", et prévoient de communiquer sur les suites mercredi.

M. Krah a affirmé avoir appris par la presse l'arrestation de son assistant. Il a promis de mettre un terme aux relations de travail avec lui "si les accusations s'avéraient fondées".

Cette affaire embarrassante vient s'ajouter à plusieurs autres controverses qui ébranlent l'extrême droite allemande depuis des mois, alors que les sondages lui ont longtemps promis des percées aux élections européennes de juin et dans trois scrutins régionaux en septembre dans l'est de l'Allemagne (Saxe, Thuringe et Brandebourg), où elle a ses fiefs.

\- Recul -

Fin 2023, l'AfD, créée dix ans plus tôt, était créditée de 22% dans les enquêtes d'opinion nationales, devançant les sociaux-démocrates du chancelier Olaf Scholz, et juste derrière le principal parti d'opposition, les conservateurs.

Mais l'engouement pour ce parti s'est effrité depuis le début de l'année. Un sondage de l'institut Forsa pour la chaîne RTL ne le crédite plus que de 16% d'opinions favorables, au plus bas depuis onze mois.

Le retournement de tendance a commencé à la mi-janvier après la révélation d'une participation de membres de l'AfD à une réunion de l'ultra-droite pour discuter d'un projet d'expulsion massive de personnes étrangères ou d'origine étrangère d'Allemagne.

L'affaire a provoqué une onde de choc dans un pays encore traumatisé par le souvenir du nazisme avec de multiples manifestations de protestation.

Outre la Chine, l'AfD est en outre régulièrement mise en cause pour sa proximité avec la Russie.

M. Krah et Petr Bystron, actuellement député de l'AfD au Bundestag et numéro deux sur la liste du parti aux élections européennes, ont dû se défendre d'avoir touché de l'argent de sources pro-russes après avoir été mis en cause dans un réseau de propagande financé par Moscou récemment mis au jour.

\- "Chaos" -

Et depuis la semaine dernière, l'une des plus figures les plus radicales de l'AfD qui rêve d'accéder au pouvoir en Thuringe, Björn Höcke, est jugé pour avoir utilisé un slogan nazi lors d'un meeting.

L'AfD "plonge dans le chaos", a asséné Dirk Wiese, un responsable social-démocrate, dans un entretien au quotidien allemand Rheinische Post.

"D'abord les accusations de versements d'argent de la part du Kremlin, maintenant les soupçons d'espionnage pour le compte de la Chine... Et ensuite, la Corée du Nord ?", a-t-il lancé.

Le chef du groupe parlementaire de l'AfD, Bernd Baumann, a affirmé que les accusations d'espionnage pour la Chine étaient "politiquement motivées" et les a mises sur le compte d'une "sale" campagne électorale.

Ces différents scandales pourraient durablement briser l'élan l'AfD avant les scrutins des prochains mois. "Le parti ne parvient pas à passer à l'offensive pour le moment", a estimé Wolfgang Schroeder, professeur de Science politique à l'université de Cassel.

Hajo Funke, spécialiste de l'extrême droite, enfonce le clou: "Je pense que la grande époque du 'nous faisons de mieux en mieux' est terminée", a-t-il dit à l'AFP.

L'AfD est toujours au coude à coude dans les sondages au plan national avec les sociaux-démocrates de Scholz et reste en première position dans les trois Etats régionaux de l'est où l'on vote en septembre.

Mais, d'après M. Funke, "des millions d'électeurs ont corrigé leur opinion" à propos de ce parti. Et si les accusations concernant la Chine et la Russe s'avèrent exactes, "cela aura des conséquences au scrutin européen".

© Agence France-Presse