Le jazz, "expérience collective" au service de la diversité, pour Herbie Hancock

Le pianiste américain Herbie Hancock lors d'un entretien avec l'AFP lors de la Journée internationale du jazz à Tanger, le 30 avril 2024 au Maroc

By Kaouthar OUDRHIRI

Tanger (Maroc) (AFP) - "Donner l'exemple de ce que nous devrions être". Le légendaire pianiste américain Herbie Hancock, de passage au Maroc pour célébrer le jazz, voit en cette musique dont il est une icône, un trait d'union capable de promouvoir "l'unité" et la "diversité".

A Tanger, désignée ville hôte de la Journée internationale du jazz 2024 par l'Unesco, il a donné mardi soir un concert réunissant d'autres grands noms du jazz contemporain, également Américains, le bassiste Marcus Miller et la chanteuse Dee Dee Bridgewater, qui ont captivé la salle en duo.

"Quand vous jouez au sein d'un groupe, ce sont les vécus de plusieurs personnes qui s'expriment et sont mis en commun. Cette expérience collective, cette sorte d'unité, fait partie intégrante de l'identité du jazz", estime Herbie Hancock dans un entretien à l'AFP.

"Lorsque les gens viennent écouter la musique, ils peuvent ressentir la joie qui émane de nous. Cette expérience que les musiciens partagent, le public la ressent aussi, c'est pourquoi ils viennent remplir les salles, parce qu'ils veulent ressentir cette expérience", ajoute l'artiste aux 14 Grammy Awards.

"Cela signifie que nous pouvons donner l'exemple de ce que nous devrions être, là où nous devrions être, et la musique raconte cela", poursuit-il.

Ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco, Herbie Hancock est à l'initiative de la Journée internationale du jazz, lancée en 2011.

Pour l'artiste de 84 ans, créateur du mythique album "Head hunters", le jazz "fonctionne de manière à permettre aux gens de reconnaître et de promouvoir la diversité".

Sur la scène du Palais des arts et de la culture de Tanger étaient également présents des artistes du Chili, du Cameroun, du Brésil ou du Japon, mais aussi le maître du gnaoua, Abdellah El Gourd, qui a lancé le concert.

\- "Une influence magique" -

Ce genre musical mêlant sacré et profane, très populaire au Maroc, ponctué d'invocations et danses pouvant aller jusqu'à la transe et initialement porté par des descendants d'esclaves, au moins depuis le XVIe siècle, a été inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco en 2019.

Le passage, entre 1967 et 1972, de Randy Weston à Tanger, ville portuaire ayant vu défiler au siècle dernier le gotha du jazz, a marqué à la fois l'histoire de la ville et de cette musique.

Figure historique du jazz, ami et collaborateur d'Abdallah El Gourd, Weston (décédé en 2018) a réussi à créer des ponts culturels avant-gardistes entre le jazz et le gnaoua.

"Il a rapporté (aux Etats-Unis) ce qu'il avait pu aider à développer ici à Tanger et dans d'autres villes du Maroc. Tout le monde a apprécié la saveur de cette atmosphère, des gens d'ici", raconte M. Hancock, qui a lui-même découvert la musique gnaoua lors d'une précédente visite au Maroc en 2015.

Le rythme des qraqebs (sorte de castagnettes) "a une influence magique sur votre être", décrit-il.

Près de dix ans plus tard, l'effet est toujours le même. A Tanger, première ville du continent africain à accueillir la Journée internationale du jazz, le pianiste a pu assister à une session musicale avec le mâalem (maître) El Gourd.

"C'était tellement profond que j'en ai eu les larmes aux yeux", confie l'auteur du tube "Rockit", sorti en 1983.

Bientôt un prochain projet créatif inspiré de la musique gnaoua ? "On ne sait jamais!", répond le pianiste.

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